Morphologie des conduits souterrains
Endokarst
Dans cette section, il n’est pas question de faire un inventaire exhaustif de toutes les morphologies souterraines identifiées dans les cavités du Haut Asón. Il s’agit plutôt de mettre en évidence quelques particularités morphologiques emblématiques de ces massifs d’exception.
Une densité exceptionnelle du cavernement
Avec 3 réseaux au développement supérieur à 100 km, le karst du haut Asón détient sans doute un record en matière de densité des conduits souterrains. En ne considérant que la rive gauche du río Asón (entre la Gándara au sud, Arredondo au nord, le río Asón à l'est et le río Miera à l'ouest), le simple cumul du développement des cavités kilométriques représente 608 km pour une surface de l'ordre de 100 km² soit un rapport de 6 km de conduits souterrain par km². Il s'agit bien sûr d'une moyenne et ce rapport augmente nettement si on se concentre sur le secteur Poracolina, Alto de Tejuelo, Muela.
Taille des conduits
Les cavités du Haut Asón et plus largement de toute la Cantabria sont réputées pour leurs dimensions exceptionnelles qu'on retrouve dans toutes les formes de conduits, galeries, salles ou puits et bien évidemment dans les entrées qui sont parfois spectaculaires (porche de la Cayuela, puits d'entrée de la torca del Mortero de Astrana, torcon del Haya etc...).
Formes des conduits
Les canyons de Cantabria sont souterrains
A l’origine, le terme canyon ou cañon a été emprunté au vocabulaire définissant des formes encaissées d’érosion de surface tel qu’on en rencontre dans les piémonts pyrénéens français et espagnols qu’ils soient karstiques ou non (Canyons de la Sierra de Guara, du Pays Basque ou des contreforts du Mont Perdu). La transposition dans le langage spéléologique est donc assez facile à imaginer et désigne en principe des conduits souterrains amples, bien plus hauts que larges, aux parois verticales et qui se prolongent de façon significative en conservant les mêmes proportions, traduisant ainsi un creusement continu et linéaire. Cette définition qui demeure assez approximative a favorisé quelques abus de langage et certaines « grandes galeries » ont été baptisées improprement « canyon » alors qu’elles ne remplissaient que les critères d’ampleur et de continuité. Nous ne retiendrons donc que ceux qui, à nos yeux, valorisent véritablement tous les critères.
Le Canyon d'entrée (canyon Ouest) dans la cueva Cayuela.
On les rencontre dans pratiquement tous les réseaux majeurs du massif et par leur ampleur (taille de la section et développement) ils apparaissent comme l’une des morphologies les plus spectaculaires des cavités du Haut Asón. Parmi les plus représentatifs on retiendra :
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Le canyon de la Coventosa
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Le rio Eulogio de la torca de la Canal que l’on peut presqu’associer avec le canyon ouest de la Cayuela tant la continuité sur un plan purement topographique semble évidente.
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Le rio Viscoso de la cueva de la Gándara,
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Le canyon Orange de la cueva del Hoyo Salcedillo
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Le canyon d’exploration de la cueva Fresca
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La cueva Escalon dans son ensemble etc…
Cavité
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Ampleur |
Longueur (développement) |
Altitude et pente
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Actif/fossile |
Remarques |
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Hauteur moyenne |
Largeur moyenne |
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Canyon de la Coventosa |
Env. 60/85 m |
5/10 m |
1400 m ou 2000 m si on ajoute la galerie Argileuse |
210/240 m |
Actif et semi-actif (gal. Argileuse) |
Une hauteur de 82 m a été mesurée au lasermètre dans le début de la galerie Argileuse |
Rio Eulogio de la torca de La Canal |
Env. 100 m au niveau de l’arrivée de la torca del Plan B |
2400 m |
320/350 |
Actif |
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Canyon ouest de la Cayuela |
30/55 m |
10/15 m |
850 m |
250/260 m |
Fossile |
L’actif s’écoule de façon indépendante une trentaine de mètres sous le canyon et avec une morphologie très différente. |
Canyon Orange de la cueva del Hoyo Salcedillo |
25/40 m |
5/15 m |
1800 m |
635/890 Pente moy. 9° |
Fossile puis actif |
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Canyon d’exploration de la cueva Fresca |
25/40 m |
1200 m |
380/420 m |
Fossile |
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rio Viscoso de la cueva de la Gándara |
10/50 m |
5/10 m |
2000 m |
950/600 |
Actif |
En amont, la hauteur diminue fortement mais progressivement |
Salles
La notion de salle est très relative et comme pour les canyons, il est parfois délicat de différencier un simple élargissement de conduit d'une véritable salle (c'est le cas de la salle d'entrée de la cueva del Agua). Toujours est-il que le volume des galeries dont elles constituent une excroissance étant important dans certaines cavités du haut Asón, il est assez logique que les salles rencontrées le soient aussi. En effet, sur un plan purement géométrique, la cantabria compte parmi les plus grands volumes souterrains d’Espagne voire d'Europe, la première place étant attribuée à la Torca de Carlista, située non loin de la zone qui nous intéresse. A titre de référence, nous la faisons figurer dans nos tableaux et schémas.
La salle Rabelais dans la cueva Fresca constitue un noeud dans le réseau (photo de Josu Granja)
Dans le tableau suivant nous dressons une liste des salles les plus représentatives du haut Asón accompagnée de quelques données dimensionnelles. Dans bien des cas, celle-ci doivent être considérées comme très approximatives en raison du manque de données topographiques précises mais aussi parce qu'il est parfois délicat d'en déterminer les contours notamment lorsque la salle constitue un élargissement, certes notable, mais aussi très progressif d'un conduit. C'est notamment le cas pour les 2 salles de la torca de Cantu Encaramao dont il est bien difficile de préciser un début et une fin. Nous éviterons également de nous prononcer sur leur volume réel qui ne pourrait véritablement être calculé qu’avec des méthodes de photogrammétrie ou en multipliant les mesures comme cela a été fait pour la torca de Carlista. Nous nous contenterons donc de donner quelques indications sur les hauteurs.
Cavité |
Nom de la salle |
Superficie |
Hauteur maxi |
Torca de Carlista (hors massif) |
Gran Sala del GEV |
87 090 m² |
78 m (97 m au sommet du puits d'accès) |
Red del Alto de Tejuelo-Muela |
Salon del Haya |
28 160 m² |
30-40 m (cheminées > 60 m). |
Sala D.E. |
24 500 m² |
15-20 m |
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Cueva Cayuela |
Salle Guillaume |
26 800 m² |
40 m env. |
Torca de los Cubillones |
Sala José Gambino |
17 800 m² |
63 m |
Torca de los Morteros |
Gran Sala Agora |
14 700 m² |
<10 m |
Cueva Fresca |
Salle Rabelais |
11 640 m² |
Env. 40 m |
Red Cueto Coventosa |
Salle des Onze heures |
11 520 m² |
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Cueva del Agua |
Salle d'entrée |
9 690 m² |
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Red de la Gándara |
Sala del Ciclope |
5 840 m² |
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Sala Angel |
4 450 m² |
45 m |
Ce classement doit être pris pour ce qu’il est, c’est-à-dire un moyen d’illustrer le gigantisme des réseaux mais il ne doit pas être isolé de son contexte car dans le cas d’une cavité comme la cueva Fresca, ce gigantisme est tout aussi spectaculaire dans des conduits comme le canyon rouge par exemple.
Les puits
Avec 5 puits de plus de 300 m, le haut Asón n'est pas non plus en reste sur le plan des conduits verticaux. Très dépendants de la stratigraphie on les trouve principalement dans les secteurs où les calcaires sont les plus épais et les plus homogènes, c’est-à-dire au nord du massif notamment sur les hauteurs de Peña Lavalle, de la Porra et de Porracolina pour la rive gauche du val d'Asón et sur celles de Peña Rocias pour la rive droite.
Plus au sud, les nombreuses intercalations gréseuses limitent naturellement les hauteurs de puits. C'est particulièrement visible dans le réseau de l'hoyo Grande où les deux principaux niveaux de galeries se développent sur des écrans gréseux séparés par une strate calcaire épaisse d'une centaine de mètres. Plusieurs puits permettent de passer de l'un à l'autre de ces niveaux et sans surprise, ils mesurent chacun d'eux exactement 100 m.
Puits |
Cavité |
Hauteur |
Année d'exploration |
Gran Pozo MTDE |
Torca del Porrón |
435,9 m |
2016 |
Poeo de los Pasiegos |
Sima del Tejón |
346 m |
2006 |
Pozo Negro |
Sima de la Llana del Tejes |
340 m |
2004 |
Pozo Buldo |
Torca de la Mole |
314 m |
2004 |
Pozo Juhué |
Torca del Cueto |
302 m |
1966 |
Pozo de entrada |
Torcón del Haya |
274 m |
1979 |
Pozo El Señor de los Anillos |
Sima de la Llana del Tejes |
266 m |
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A la suite de ces paragraphes qui mettent en évidence des morphologies typiques de grands volumes souterrains, il peut paraître surprenant d'en consacrer un spécialement aux laminoirs. Pourtant il s'agit bien là d'une forme de conduit emblématique de certaines cavités du secteur.
Encore une fois, la stratigraphie va jouer un rôle primordial puisque ces laminoirs vont se former presque systématiquement au contact avec une couche imperméable, très souvent gréseuse et souvent surmontée d'une fine strate marneuse dont l’épaisseur, dans bien des cas, correspond à la hauteur du conduit. On rencontre ces séries calcaréo-gréseuses dans la partie centrale du massif (Rolacia, Hoyo Grande) et plus au sud (Fraile, Brena).
Comme ils se développent sur un écran imperméable, ces laminoirs sont souvent actifs et suivent le pendage moyen du secteur qui oscille généralement entre 10 et 12 °. La structure monoclinale favorise en plus une morphologie en écheveaux avec de nombreux drains parallèles qui, lorsqu'ils se rejoignent peuvent former des conduits bas mais dont la largeur peut atteindre plusieurs dizaine de mètres. Le laminoir terminal de la torca del Hoyo Grande (laminoir des Nez Terreux) est large de prés de 100 m pour une hauteur qui n'excède pas 30 cm.
Laminoir dans la cueva Tonia. Le sol est constitué d'un niveau gréseux (imperméable)
La longueur jugée "interminable" de certains de ces conduits fait que la plupart des cavités concernées ne figurent pas dans la liste des classiques du secteur et sont de fait moins connues. Quelques exemples :
- Cueva de Gorgullones (Lusa)
- Entrées supérieures du réseaux de la Gándara (Calligraphes, Bouquetins, Fuente de Bustalveinte) jusqu'à la Tangente verte et partie amont du Río Viscoso.
- Réseau de l'Hoyo Grande notamment le niveau inférieur (torca del Hoyo Grande)
- Cueva Tonia
- Sumidero de la Lunada
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